Arduino, c’est l’une des plus belles histoires de l’électronique libre. Un projet né en Europe, à Ivrea (Italie), en 2005, avec une idée simple : rendre l’électronique accessible à tous, sans licence, sans barrière, avec des schémas ouverts et un logiciel libre.

Des profs, des ingénieurs, des bidouilleurs passionnés − Massimo Banzi, David Cuartielles, David Mellis, Tom Igoe − ont créé une plateforme qui a changé la vie de milliers de makers et lancé tout un mouvement DIY.
C’était propre, généreux, et 100% libre.

⚙️ De projet communautaire à entreprise “pro”

Puis, comme souvent, le succès a attiré les tensions et les ambitions.

Entre 2014 et 2016, des conflits internes ont divisé le projet entre Arduino LLC (USA) et Arduino SRL (Italie). Finalement, les deux entités ont fusionné en Arduino AG, une société suisse, détenue via une holding appelée BCMI, propriété des fondateurs historiques.

Jusque-là, rien de scandaleux : il fallait bien une structure claire pour continuer à produire, embaucher et se développer.

Mais à partir de 2021, le ton a changé.

💸 L’arrivée des investisseurs

En 2022 et 2023, Arduino a levé plus de 54 millions de dollars en deux tours de table successifs. Les investisseurs ? Des poids lourds du secteur industriel et du capital-risque :

  • Robert Bosch Venture Capital ;
  • Renesas ;
  • Arm ;
  • CDP Venture Capital (Italie) ;
  • Anzu Partners.

Ces noms ne financent pas des projets par amour de l’open-source, ils investissent pour un objectif clair : faire fructifier leur mise.

Dès cet instant, Arduino n’était plus un collectif libre, mais une scale-up technologique, avec des gammes “Arduino Pro”, des accords commerciaux, et des objectifs de rentabilité. C’est le passage classique du “projet passion” à la “start-up rentable”.

🧨 Le rachat par Qualcomm

En octobre 2025, Qualcomm a annoncé le rachat d’Arduino SA.

L’information est désormais officielle : le géant américain des semi-conducteurs met la main sur une marque, un écosystème et une communauté mondiale. Le montant de l’opération n’a pas été communiqué, mais vu les levées précédentes, il est évident que les investisseurs ont réalisé une belle plus-value.

Résultat :

  • Les fonds de capital-risque ont encaissé ;
  • Qualcomm récupère un écosystème prêt à intégrer dans sa stratégie IoT ;
  • et les fondateurs, sans doute encore présents en façade, n’ont plus le contrôle.
⚖️ Ce qu’il faut en retenir

Ce n’est pas une trahison individuelle, c’est juste le cycle naturel du capitalisme appliqué à un projet open-source :

  1. On part d’une idée libre ;
  2. on structure une entreprise ;
  3. on lève des fonds ;
  4. on revend à plus gros que soi.

Soyons lucides : à partir de là, Arduino n’appartient plus à la communauté.
Mais l’esprit open-source d’origine − celui du partage, de la transmission, du libre accès − survit dans la communauté des makers, pas dans la société qui porte le nom.

🔧 L’esprit Arduino reste vivant

Heureusement, rien n’empêche les projets dérivés, les forks, les alternatives.
Le code source reste ouvert, les clones existent, et l’esprit du bricolage libre est plus vivant que jamais.
Les makers, eux, n’ont pas besoin de levées de fonds pour créer.

Ce qu’on peut retenir : l’open-source ne meurt pas quand une marque se vend ; il meurt quand les gens arrêtent de partager.

Alors continuons à bidouiller, documenter, apprendre, et faire vivre ce que l’Arduino d’origine incarnait vraiment : la liberté de construire par soi-même.

Patrick

Arduino : de l’idéal “open-source” au jackpot des investisseurs